lundi 2 janvier 2012

Le rôle politique du roi Albert II en 2000

Lors de la réception de Nouvel An 2000 aux autorités du pays, Albert II apporte son soutien public à l'action de "son" ministre des Affaires Etrangères Louis Michel. Il apparait clairement que les deux hommes sont sur la même longueur d'onde :

"Aujourd'hui, j'aimerais vous parler d'un sujet qui figure en bonne place dans la déclaration gouvernementale. C'est un sujet qui me tient fort à coeur depuis longtemps et qui intéresse particulièrement le prince Philippe : il s'agit de l'image de la Belgique.

Est-ce important? Bien sûr, et ce pour deux raisons au moins. La première relève du domaine humain. En effet, s'il est naturel de tenir au bon renom de sa famille, il est normal aussi de souhaiter que son pays soit estimé et apprécié. Chaque citoyen se réjouit lorsqu'il a des raisons d'être fier de son pays. A l'évidence, cette fierté ne doit pas dégénérer en nationalisme extrême. La deuxième raison relève du domaine économique. Une image favorable assure de multiples avantages à un pays exportateur comme la Belgique. Elle stimule le dynamisme de ses entreprises, accroît ses échanges, procure de l'emploi à ses habitants, bref, elle contribue à sa prospérité.

Malheureusement, diverses crises ont nui à notre bonne réputation. Comment y remédions-nous? Essentiellement en mettant l'accent non pas d'abord sur des techniques de relations publiques, mais bien sur des mesures propres à éliminer ces crises. C'est pourquoi je me réjouis des actions entreprises par le gouvernement pour améliorer le fonctionnement de nos services de sécurité et de la justice. C'est une oeuvre de longue haleine et je demande à nouveau à tous les responsables de s'investir pleinement pour faire réussir ces réformes. Dans le domaine spécifique de la disparition et la maltraitance d'enfants, de nombreuses mesures ont déjà été prises et la création de Child Focus en constitue un exemple fort apprécié, ici comme à l'étranger. C'est une preuve de notre capacité de réaction face à des situations inacceptables.

En ce qui concerne la santé des consommateurs, le gouvernement a décidé d'unifier les services de contrôle du ministère de la Santé et du ministère de l'Agriculture. La création de l'Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaîne Alimentaire est une étape importante. Il convient maintenant de mettre ce nouvel organisme en place et de le faire fonctionner efficacement.

Mais nous ne devons pas nous contenter de réagir aux crises. Engageons-nous résolument dans la modernisation de notre pays et de son service public qui doit être à même de mieux répondre aux demandes et aux besoins des citoyens. Nous atteindrons cette bonne organisation interne par la mise en oeuvre des techniques les plus modernes et en encourageant la dépolitisation de l'administration ainsi que la formation permanente des fonctionnaires. Sur le plan économique et social, montrons que notre pays veut combattre la pauvreté et la marginalisation par le développement de l'état social actif qui investit dans la formation et l'emploi.

Examions à présent quelques caractères spécifiques de notre pays. Un de nos atouts réside dans notre situation au confluent des deux grandes cultures europénnes : la culture germanique et la culture latine. Il est important de présenter notre pays comme un Etat fédéral moderne, où l'identité propre de chaque identité peut s'épanouir. Notre société multiculturelle favorise l'ouverture à l'autre et la capacité de le comprendre, ce qui constitue un autre avantage. Le multilinguisme et l'esprit de tolérance sont également deux qualités fort appréciées et qu'il faudrait développer encore davantage (...)

Mais l'image de marque d'un pays ne dépend pas seulement de sa bonne organisation interne. Elle est la résultante d'un grand nombre de facteurs très différents qu'il convient de stimuler ou de mettre en valeur : la recherche scientifique, le patrimoine culturel, les technologies spécifiques, les équipements et j'en passe. Cette image se forge aussi au quotidien par les premières impressions qu'un étranger recueille aux portes d'entrée de notre pays : nos aéroports, nos gares, nos ports, nos autoroutes. Cette première impression influence souvent son jugement définitif. Soyons donc attentifs à réserver un accueil bienveillant et de qualité, non seulement aux hommes d'affaires, mais aussi aux touristes et aux nombreux journalistes qui suivent chez nous les activités de l'Union Européenne et de l'Otan.

La réflexion et l'action dans ces domaines devraient faire l'objet d'un large consensus entre autorités fédérales et régionales, entre secteur public et privé et entre partenaires sociaux".

Si la Constitution belge de 1994 interdit au souverain d'intervenir dans la composition des gouvernements régionaux et communautaires et de signer leurs décrets, le Roi conserve beaucoup d'intérêt pour les projets des entités fédérées et reçoit régulièrement les ministres régionaux et communautaires en audience. C'est dans cet esprit qu'il se rend en mars 2000 à Namur pour une réunion de travail avec le gouvernement wallon (PS/MR/Ecolo) au sujet du Contrat d'Avenir pour la Wallonie. Au terme de celle-ci, le ministre-président lui remet une version de luxe, reliée en cuir. Devant la presse, le Roi lui répond : "C'est un travail magnifique. Il se retrouvera sur mon bureau et c'est avec beaucoup d'intérêt que je suivrai les progrès effectués par la Wallonie".

Lors de son discours de la fête nationale 2000, Albert II salue avec joie la paix communautaire qui s'était installée depuis les élections de juin 1999 : "Chez nous, la monarchie est à la fois un symbole mais aussi un acteur de l'unité nationale. Il est important que la personnalité propre de chacune de nos communautés et de nos régions puisse s'épanouir pleinement. Mais soyons conscients aussi de ce qui nous unit et favorisons cette unité. Comme je l'ai déjà dit souvent, la diversité dans notre pays est notre richesse. Notre devise nationale, "L'union fait la force", garde toute sa valeur. D'ailleurs, fédérer signifie unir et unir est une des tâches de la monarchie belge. Je continuerai donc à m'y employer activement.

Il y a quelques mois, les institutions européennes ont choisi comme devise "L'unité dans la diversité". Nous sommes bien placés pour ouvrir la voie dans cette direction et pour jouer un rôle moteur sur ce chemin. Mais pour bénéficier pleinement de l'atout que constitue la diversité, il est nécessaire que chacun de nous connaisse l'autre le mieux possible. Cela suppose la connaissance de sa langue, de sa culture, de sa mentalité et de ses qualités.

L'échange harmonieux avec l'autre doit contribuer à une créativité accrue et favoriser une image positive de la Belgique. Cette perception avantageuse de notre pays se trouve également renforcée par certaines actions comme la coorganisation réussie de l'Euro 2000 en dépit du comportement déplorable des hooligans, heureusement vite maîtrisés par nos forces de l'ordre. Sur un plan culturel, le rayonnement des manifestations de Bruxelles 2000 et de la commémoration du 500ème anniversaire de la naissance de Charles-Quint nous est aussi très bénéfique. Par ailleurs, il me semble bien que la collaboration entre nos communautés, nos régions et l'Etat fédéral se soit améliorée ces derniers temps. Cela rejaillit automatiquement sur l'opinion que nous nous formons de nous-mêmes, aussi bien que sur notre image à l'extérieur. J'ai pu m'en rendre compte à l'occasion de mes contacts avec plusieurs chefs d'Etat.

D'autre part, il va de soi qu'en évitant des tensions entre communautés, nous disposons d'une énergie supplémentaire pour résoudre les questions qui préoccupent directement les citoyens : la sécurité, la qualité de notre environnement, la mobilité, la formation et l'emploi, la modernisation de notre administration, l'avenir des pensions et la diminution de la charge fiscale. Grâce aux efforts d'assainissement de nos finances publiques, poursuivis depuis de nombreuses années sous des gouvernements successifs, nous disposons maintenant de plus de moyens pour rencontrer ces besoins".

Les Belges se rendent aux urnes le 8 octobre 2000 pour renouveler les conseils communaux et provinciaux. Tant au nord qu'au sud du pays, les résultats sont positifs pour toutes les composantes du gouvernement Verhofstadt Ier au détriment des sociaux-chrétiens. Deux jours plus tard, le secrétaire d'Etat au Commerce Extérieur Pierre Chevalier remet sa démission au Roi, car il allait être entendu dans une affaire d'escroquerie et ne voulait pas entacher le gouvernement fédéral. Annemie Neyts lui succède et accompagne le prince Philippe dans ses missions économiques entre 2000 et 2003.

Afin de faire taire les rumeurs d'abdication suite à ses deux hospitalisations successives, le Roi effectue, avec la reine Paola, plusieurs déplacements officiels à l'étranger durant l'automne 2000 : visite de l'Exposition Universelle de Hanovre (Allemagne), passation de pouvoir entre le grand-duc Jean de Luxembourg et le grand-duc héritier Henri, voyages d'Etat en Tchéquie et en Suisse, funérailles de la reine mère Ingrid de Danemark. En compagnie du ministre de la Défense André Flahaut, notre souverain se rend dans les Balkans, afin de soutenir les militaires belges qui y étaient déployés.

Ce dernier voyage inspire Albert II pour son discours de Noël 2000 :

"Je voudrais dire à nos militaires qui passent cette fête de Noël là-bas, loin de leur foyer, que nos pensées chaleureuses vont vers eux et vers leurs courageuses familles. Nous sommes fiers du travail qu'ils accomplissent dans des conditions parfois très difficiles et dangereuses pour que la paix règne dans cette région troublée d'Europe. Ils contribuent à cette paix non seulement par leur présence armée, mais aussi en travaillant à des projets de développement et en nouant ainsi des liens avec la population civile. Je m'en suis bien rendu compte sur place.

J'aimerais associer à cet hommage tous ceux et toutes celles qui, par le passé, ont déjà participé à de telles missions au Kosovo, en Bosnie, en Slavonie orientale, en Afrique ou ailleurs dans le monde. Je pense aussi aux compatriotes qui exercent au Kosovo des responsabilités civiles dans le cadre des Nations Unies, de l'Union Européenne, de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe ou au sein d'organisations non gouvernementales. Ils font là-bas un travail formidable et je les en remercie. J'ai également pu constater avec intérêt que la communauté internationale a confié à l'Eurocorps, cet embryon d'armée européenne, des responsabilités importantes. Durant six mois, il a assuré avec succès la conduite effective de la force de paix multinationale au Kosovo. C'est ainsi que se construit sur le terrain l'Europe de la défense et il est heureux que notre pays y participe activement.

Quand on parcourt ces régions des Balkans, on est horrifié par les ravages causés encore à notre époque et sur notre continent par le nationalisme extrême et par la xénophobie. Cela nous incite vraiment à rester attentifs à toute forme de racisme ou d'exaltation démesurée de l'identité propre. Souvenons-nous des leçons du passé et n'oublions pas celles des Balkans aujourd'hui".

Dans son discours, il évoque aussi la famille : "Une enquête récente réalisée auprès des Belges, mais aussi auprès d'autres citoyens européens, montre que la famille est et reste pour eux la principale valeur. 96% de nos compatriotes la placent au tout premier rang des domaines qui sont importants dans leur vie. Elle est le lieu privilégié de leur épanouissement. En cette période de l'année, chacun a des attentions spéciales pour les autres membres de sa famille. Mais cette générosité ne peut pas se limiter au cercle de nos proches. Pensons également à ceux et à celles autour de nous qui sont privées de ces liens familiaux, et qui vivent dans un isolement souvent dur à porter. Evitons le repli sur soi qui conduit trop facilement à l'individualisme, une tendance et un danger bien réels que l'enquête dont je vous parlais met clairement en lumière".

1 commentaire :

  1. Sire,
    En ce 6 juin 2012, nous vous souhaitons un heureux anniversaire, que Dieu vous garde

    RépondreSupprimer